Ski de fond

Inquiétude dans le monde du ski de fond

GATINEAU — Des courses quasiment annulées, des pistes entièrement couvertes de neige artificielle, des épreuves réalisées sur fond de verdure et de prés. Le monde du ski de fond s’inquiète des changements climatiques, qui pourraient à jamais changer le sport et éroder le nombre de ses participants.

Cette saison a été particulièrement éprouvante en Coupe du monde. Alors que naguère les canons ne servaient qu’en cas d’urgence ou pour des retouches, toutes les courses cette année ont eu lieu sur neige artificielle. En janvier dernier, l’épreuve d’Oberstdorf, en Allemagne, a même failli être annulée.

« Oui, les changements climatiques représentent un défi qu’on a à affronter. Ce n’est pas quelque chose qui s’en vient dans l’avenir ; c’est une problématique qu’on doit affronter déjà depuis quelque temps et particulièrement cette année », explique le directeur de course pour le ski de fond à la Fédération internationale de ski (FIS), Pierre Mignerey.

Selon l’Agence européenne pour l’environnement, depuis 40 ans la couverture de neige s’est réduite dans l’hémisphère nord de 7 % en mars et de 11 % en avril. Les données indiquent des changements moindres pour les premiers mois de l’hiver.

« En Europe centrale cet hiver, il n’y a pratiquement pas eu de neige. Pour nous, tout le début de saison est compliqué. On a couru exclusivement sur de la neige artificielle, avec parfois un peu de neige naturelle venue mettre un petit coup de peinture. »

— Pierre Mignerey, de la Fédération internationale de ski

« À Oberstdorf, on a pris un risque énorme en maintenant la course là-bas. Ça s’est déroulé, mais bon, on sent bien que c’est à l’extrême limite de ce qu’on peut faire. Même en Scandinavie, début décembre, ce n’est pas garanti d’avoir la neige, à part dans l’extrême nord. »

LA SURVIE DU SPORT

Le Français note que cette tendance est une réelle préoccupation dans la famille du ski de fond. Le manque de neige n’est pas juste un enjeu pour la Coupe du monde, il l’est pour toute son industrie.

« L’impact, on le ressent déjà. Bien sûr, il y aura des fluctuations, mais on sait que la tendance se dirige vers des hivers compliqués tout le temps. Ça pose de vraies questions pour nous. Sur l’évènementiel ça va, parce que la plupart des organisateurs sur la Coupe du monde font l’effort de stocker de la neige.

« Mais il y a toute la question de l’économie du ski. Le haut niveau, c’est une sorte de vitrine qui a du sens pour nos commanditaires s’il y a un business derrière, note le directeur de course pour le ski de fond à la FIS. Est-ce qu’il y aura des gens qui skieront, qui regarderont nos courses à la télé ? Pour l’instant, ça va encore, mais est-ce qu’il y aura encore des gens pour regarder la télé quand ils auront perdu le lien avec le ski dans leur propre vie ? »

Au Canada, la Fédération de ski de fond voit dans les changements climatiques une occasion de développer le sport. « Il n’y a plus de neige en Europe, alors soudainement, le Canada devient une sorte de soupape pour la FIS, explique le directeur général de Ski de fond Canada, Pierre Lafontaine. Des événements comme le Ski Tour, on pense qu’il y en aura plus dans l’avenir. »

M. Lafontaine espère doubler le nombre de membres de la Fédération dans les prochaines années. La Fédération a aussi lancé un programme de développement dans plusieurs communautés autochtones. « Il y a un gros potentiel dans le nord du pays et on voit ça comme une opportunité », dit-il.

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